SUR PIEDS
Le temps presse. Le temps passe. Sur le grand tapis rouge, des paires de pied font la ronde, tout autour. La journée fut chaude et maintenant aussi la soirée. Des pieds sont là, venus se poser, tourmentés, fatigués, collants, gonflés.
Je vois des pieds, deux, en pénitence, enfermés dans des godillots, serrés, cachés?, protégés?, réservés?, repliés?, empêchés?
Porte ouverte sur l'air chaud de la rue encore bruyante et pétaradante.
Des pieds, deux, comptent la mesure. Quel est le tempo? Quelle musique intérieure que je n'entends pas? Et le temps qui presse.
Des pieds piaffent. Un sur les deux. Un sac vautré à côté.
On a allumé la lumière. D'un coup. Plus d'ombre. Plus de clair obscur. Plus de doute. Plein feu sur les jambes, les pieds, les chaussures, les doigts de pied .
Je vois des pieds nus sur le grand tapis rouge. Deux. Assortis. Posés. Étales.
Le temps passe. Aura-t-on le temps de dire, le temps d'y croire, le temps d'y goûter ? Le temps nous échappe.
Des pieds posés, fatigués, tourmentés, des pieds d'été.
Qui souffre? Qui cherche? Qui veut dire?
Et sur le tapis rouge, là, au milieu, si on jetait tout! On pourrait jeter, mélanger, mixer, pâtasser! Tous!
Je pâtasse, je pâtasse et le temps passe. Qu'ai-je donc à dire que personne ne peut dire à ma place et qui ne sera jamais dit si je ne le dis pas? Maintenant.
Cet instant partagé si solitaire.
Porte fermée, étouffante, étouffeuse. Qui m'étouffe?
Je vois des jambes, deux, qui se sont allongées, longues; un pied est posé sur l'autre.
Sandales aussi, doigts de pied. A peine posé. Sur la pointe... Un peu... Pour la racine... Juste pour rester enraciné...
... Sous les pieds...