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T O H U B O H U
17 septembre 2016

MOMENT

      C'était dans une brasserie clinquante, vulgaire, bruyante. Un peu au fond. Près du juke box. On s'était intallées d'emblée près du juke box.  C'était un peu  le soir, en fin de journée, il faisait déja nuit, c'était après l'école, en tout cas. On attendait l'heure d'un car qui devait nous emmener à la campagne, deux heures de route et ses parents nous récupèreraient pour les vacances de la Toussaint.

Et, bien plus que l'idée de vacances, c'était la perspective d'attendre le car dans ce café clinquant, vulgaire, bruyant qui nous avait alléchées. Nous n'étions pas impatientes, nous étions ravies.

   On avait jeté nos cartables sur la banquette, on avait commandé deux Cocas, pas des grenadines, on avait tiré nos longues chaussettes et nous avons engouffré deux mois d'argent de poche dans la bête, à  tour de rôle. Il n'y avait que quelques titres de Françoise Hardy. Alors, chacune,  on les a mis, chacun, plusieurs fois. Pas grave, c'est bon, on a bien le droit, nous, Françoise Hardy, on aime bien.

Debout, impassibles, jubilantes à  côté du juke box, la frange au ras des yeux, nous nous dandinions, toutes deux, heureuses, comblées, fières d'être comme tous les garçons et les filles de notre âge

Moment parfait, complet: nul besoin d'un chéri quand on écoute " oh oh chéri ". D'ailleurs " l'amour s'en va "et puis ce n'est pas " le temps de l'amour ", c'est le temps d'écouter Françoise Hardy, on a bien le droit.

On se dandine. je me souviens du néon, trop de lumière blanche. Pas grave.

Je me souviens de la porte qui laissait entrer des bouffées de voitures. Pas grave.

L'odeur très forte du tabac. Pas grave.

Formica un peu arraché. France soir. Peu importe.

Des hommes rouges qui rient fort au bar; je ne sais plus ce qu'ils disent. Peu importe.

Il y avait aussi ce couple, il me semble qu'ils sont amoureux je ne me souviens plus. Moi, je suis mélancolique, moi, j'écoute Françoise Hardy.

Parents pas là. Ecole finie. Bistrot avec d'authentiques blousons noirs au bar. Coca choisi par moi.

Mais surtout, seules, debout, dans nos jupes culottes, portées, entendues, comprises soutenues par Françoise Hardy. Ivresse du bonheur de vivre, liberté.

C'est cette sensation que je  veux dire ici: cette ivresse, cette joie, cette folie, c'est irrépressible, on exulte... Cette joie, ce bonheur on va pas les mettre en sourdine. Alors on se dandine encore. J'ai conscience que la vie vaut enfin la peine d'être vécue

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