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T O H U B O H U
26 novembre 2016

UNE CHAMBRE A MOI. TOUTE SEULE.

      D'abord, il y aurait l'anti-chambre, l'endroit où l'on dépose ses chaussures, son masque, sa panoplie, toutes ses protections, toutes ses faussetés.

      Et puis, loin des lieux collectifs de la maison, loin du réfectoire, loin de la chambre des commerces et des échanges, on entrerait dans la chambre forte, la chambre à air, à air pur, oxygénant, on se retrouverait, comme dans une cellule de moniale, on se trouve, soi. Dans la chambre à soi. 

 

 

      Des lits jumeaux, parallèles, même couvre lit, mêmes oreillers, mêmes lampes de chevet, mêmes droits. Les deux filles. Mais nous ne sommes pas des jumelles! J'ai tout de même six ans de plus qu'elle! Je revendique le droit de lire tard le soir ! C'est moi l'aînée et en tant que telle je revendique une chambre à moi. Toute seule!

      Entre les deux lits, une niche. Dessus posés: un réveil, un petit vase, vide, des peluches de bébé, des poupées dites de collection, que notre père nous rapporte des pays lointains, tantôt une pour elle, tantôt une pour moi, parfois pour elle, elle-est-tellement-mignonne!, pas pour moi, j'ai-eu-des-mauvaises-notes! Un verre d'eau, ou deux, un bracelet fantaisie, une tirelire en plâtre en forme de chien  débonnaire, plus de mon côté, une petite boîte décorée de coquillages, plus de mon côté à moi.

      Deux bureaux. A l'identique. Chacune son bureau de part et d'autre de la grosse armoire. C'est scandaleux! Alors même que je dois disposer de tranquillité pour faire mes devoirs, ma petite soeur dessine, insouciante, de l'autre côté de l'armoire, en remuant, en chantonnant, exprès, fort. Et mon petit frêre, lui, au prétexte que c'est un garçon, il a sa chambre! Et moi, l'aînée?

      La grosse armoire. Symétriquement, égalitairement remplie par nos habits. Chacune sa moitié d'armoire. Maman rangeant les vêtements de la petite, en profite pour ranger et fouiller dans mes affaires à moi; J'ai toujours eu du mal à cacher mon rimmel et mes lettres d'amour. C'est fou, ça! A mon âge, j'ai besoin de plus de place, j'ai des bas, moi, des soutifs, moi, ça prend de la place!

      Et puis tous ces poupons, ces poupées, ces Barbies, ces bébés qui-boivent-et-qui-font-pipi, tout ça,  ça envahit tout l'espace et quand je reçois une copine, c'est la honte! Pfffff!

      Sur les murs, quelques photos de Françoise Hardy cohabitent avec des niaiseries de Blanche Neige, Cendrillon et autre Casimir. Rien ne m'est épargné. Je ne me sens pas chez moi.

       Un petit meuble bas, à sa hauteur à elle, c'était le mien propre quand j'étais petite. Avec chacune son étagère de livres: Des Bécassines, des Oui Oui, des Babars, on ne voit qu'eux et leurs couleurs mièvres, parfois même une vieille chaussette qui traîne, cette gamine ne range rien! ils embolisent l'atmosphère. On ne voit que ces livres à images clinquantes; On ignore mes livres à moi, mes livres de poche, discrets, importants, sérieux, très intéressants, bien rangés par ordre alphabétique. J'en ai marre!

 

      Mon secret. A moi toute seule. Sur la niche. Entre les deux lits. Jumeaux. Le réveil, les peluches, le ou les verres d'eau, la tirelire-chien, toutes les poupées de collection. Plus de mon côté. La boîte.

      Le soir, quand on nous dit d'éteindre. Trop tôt. Pfffff! On éteint la lumière. Je la prends, la petite boîte. Je l'amène sous mes draps et je l'ouvre. La petite Sainte  Vierge de Lourdes phosphorescente luit. Rien que pour moi. Toute seule.

 

      Dans ma chambre

Couleur d'ambre 

Il ya Moi

Il n'y a que Moi

Moi avec Moi

Moi face à Moi

Sans regard

Sans critique

Sans pudeur

Avec impudeur

Tranquillement

Sereinement

Couleur d'ambre

Je ne regarde que Moi

Je n'aime que Moi

Je m'offre à Moi

Enfin seule

 

     

 

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