IL FAISAIT GRIS
Il faisait gris.
Mais vous savez, pas le gris qui vous donne envie d'arrêter, de prendre la tangente, de fuir, de pleurer ou de mourir; non, un gris sobre, neutre, pas trop froid, pas trop chaud, je dirais même un gris enveloppant, protecteur, le gris couleur du temps, le gris des sirènes. Vous voyez? Le gris en plein jour d'où tout peut émerger, le gris du tohu-bohu initial, le gris de avant Dieu. La chatte dormait en rond, le jasmin frémissait, ça vrombissait dans le jardin. J'étais sereine, ni peur ni haine. Ça bruissait.
Il faisait gris.
Et que dire d'un temps incertain? J'étais dans l'expectative. Je devenais inquiète. Le connu, le familier devenait étrange. Je me souvenais qu'un jour, il avait fait bleu, beau, lumineux, radieux et je regrettais, ce temps. Un autre jour, il pleuvait tout chaud, il y avait des éclairs, je m'en souvenais.
Le Ici et Maintenant s'éternisait
A laisser la plume aller
En toute liberté
Où vais-je me retrouver?
Rien à en dire
Rien à cueillir
Rien à accueillir
J'attendais le monde avec émoi
Mais le monde tournait sans moi
Il faisait gris et rien ne se passait. Le temps s'étirait. Le temps m'interrogeait. Mais non! il ne me demandait rien du tout, le temps; il ne s'ocupait pas de moi. Et la chatte dormait en rond et le jasmin frémissait et les anges passaient
Un rêve, alors? Un rêve comme une échappatoire? Pour créer? Pour ailleurs? On dit que l'herbe est plus verte que sur les sentiers battus... Un rêve tonitruant, formidable tel l'alchimiste qui déchire la toile des apparences
Devais-je oublier le gris?
Devais-je apprivoiser le gris?
Devais-je attendre mon heure?
Devais je me griser du gris?
Et puis, l'évènement qui passe et qu'on ne peut pas entendre... Le papillon qui se débat dans la toile... L'escargot, là, doucement...
Non, vraiment gris, c'est gris...
A force...
La chatte tout en rond
Qui piquait son roupillon
Que croyez-vous qu'il arriva?
Elle se leva et s'étira
Puis elle se recoucha.
Il faisait gris.
Encore une belle journée!