PAIX ET GUERRE

          Ce soir, Nicole est revenue. Ca faisait longtemps, deux mois au moins. Elle n'est pas venue les mains vides; Elle a apporté des bouts, des morceaux de journaux qu'elle a collé sur des cartons. Sur l'un d'eux, la Une d'un journal "C'est la guerre " et René les a exposés devant la vitrine, sur un pupitre et il a dit: " Ce soir on va observer les collages de Nicole, on va observer un silence. "

       Faites circuler le bon papier. Circulez, y'a rien à voir. "

         J'observe, ça circule. Dans la rue, derrière la vitrine, l'affiche "libre-service chaussures ". A côté des cartons de Nicole exposés, un parapluie mouillé, le fauteuil en fer forgé noir avec le coussin rouge et orange et les cloches de Saint Barnard. Il y a des mouches. Sur le plateau, sur la table, devant les cartons avec des bouts collés de Nicole, il y a des verres, une carafe d'eau, les demi citrons coupés de Braque, parce que aujourd'hui, il fait lourd. Ce soir encore, sur la route de longues traînées de terre jaune et encore Tom Waits. L'été va bientôt se terminer.

         Ce soir, Nicole est revenue, ça faisait longtemps. Deux mois au moins.

         René a dit que c'est difficile de ne pas croire qu'on voit tous pareil. Michel a dit qu'on est tous pareils, tous mêmes. Jean Pierre regarde son heure. Et pendant ce temps, une mouche se promène sur un demi citron. Pas vraiment une mouche. Non, un moucheron plutôt. Dehors, la pluie s'est arrêtée, la nuit a presque fini de tomber. Les phares des voitures. Il fait chaud, on étouffe ici. Je pense à demain, je pense à ailleurs, je pense à plus tard, j'oublie d'être là.
Faire avec.
Le moucheron n'est plus sur le demi citron coupé.
Je recolle les morceaux. Ca circule.