PARLER OU ECRIRE, IL FAUT CHOISIR

J'essaie d'écrire pour arrêter de parler. En vain.
J'aurais voulu avoir ce talent.
J'aimerais tellement avoir ce don, cette facilité, cette liberté.
J'aimerais vraiment, ce serait fluide, simple, clair. J'aurais bien voulu écrire.
J'écris vainement.

      Je voudrais vous dire explicitement qu'en lisant "L'espèce humaine" dans lequel Robert Antelme nous fait part au plus près, avec acuité, de ses sensations dans un camp de concentration, je ressens tout ce qu'il explique. Tout. Et alors je voudrais pouvoir tranquillement vous dire, sans vergogne, sans indécence, sans outrecuidance, sans obscénité, vous dire: Robert Antelme réveille ma douleur enfantine lorsque j'étais en colo, très jeune, trop jeune, pendant tout un mois, entier, loin, au bord de la mer.
L'injustice, l'étrange, l'absurde, l'irréalité, le manque de repères, ma solitude, ma souffrance, ma terreur, mon désespoir, mes tentatives d'alliance, mes espoirs vains, mes attaches infructueuses, mes fugaces compréhensions, mes instants d'hébétude pour être moins mal, mes essais d'essais pour avoir du goût, pour trouver du familier. Tout.

      Et j'expliquerais ça tout bien en détails. Et vous ne seriez pas choqués que je compare ma souffrance en colo à  celle de Robert Antelme dans un camp de concentration. C'est trop difficile mais j'écris en vain.