LES PORTES S'OUVRENT

                    Il frappait avant d'entrer. Toujours. Il était bien élevé. Il frappait poliment. Il frappait habituellement. Il frappait fort. Il tapait. Il cognait. Il se  heurtait. Il griffait, il n'avait plus d'ongles à force. Il trépignait. Il pleurait. Il suppliait.

" Faut pas y faire cas! C'est son caprice, il faut le laisser! "

Sous l'huile bouillante, il se désespérait, il se désolait, il se berçait. Il ne se consolait pas. Il n'a jamais pu entrer. Pas une seule toute petite fois. Il ne s'en est jamais consolé.
Je sais, d'aucuns auraient utilisé un bélier. Lui, il a préféré partir. Loin.
Il n'était pas consolé mais il a grandi.

                    Les portes s'ouvrent. On lui a  dit qu'avec l'âge, les portes s'ouvrent, se sont ouvertes, qu'il n'y a plus de barrage, de verrous ni même de clef. Il y a même des ponts levis, des passerelles, des moyens de transport. L'accès y est aisé, un vrai bonheur pour les handicapés comme lui.

Mais:

Il ose pas.
Et puis,il n'a plus envie.
Et puis, il n'a plus besoin.
Et puis, il a peur.
Et puis, de l'extérieur, ça va, on voit  très bien, on se rend bien compte, ça va, ça va, ça va très bien.

                    Alors, c'est bête, hein !, il frappe avant d'entrer, poliment, par habitude, toc-toc, mais on entre comme dans un moulin maintenant et, malgré les invites appuyées,  il reste sur le pas de la porte. Il préfère, il a l'habitude, c'est plus poli.