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T O H U B O H U
11 avril 2006

PETITE SIRENE DEVIENDRA GRANDE

          Il est beau, il est  fier debout, il sent bon l'humus de la forêt, il commande, il a fière allure, il danse . Et il me regarde infiniment de son désir prédateur. Alors, pour continuer à accepter le joug  de son désir, à jubiler sous son regard brillant, je vais  perdre ma queue de poisson, je vais m'éloigner de mes soeurs, je vais quitter le monde marin. Et je vais devenir une humaine aussi comme lui. Lors des épousailles, tout à l'heure, je vais danser, je vais danser avec lui, danser pour lui et je ne vais plus jamais nager avec mes soeurs. Pourtant, je le sais, c'est comme ça qu'il m'a aimée, comme ça qu'il a eu son regard de désir pour moi, c'est quand je nageais, ondoyais librement maitrisant mon élément dans le pays de Neptune, mon père, c'est comme ça qu'il m'a aimée. Mais il veut. Il me veut sans ma queue de poisson et je sais car ma marraine me l'a dit, que mille aiguilles piqueront la plante de mes pieds, à chacun de mes pas. A chacun de mes pas. Mais c'est ainsi qu'il me veut alors je le veux aussi et mille aiguilles piqueront mes pieds à chacun de mes pas. Je le veux aussi, je l'accepte. Après, quand sera passé  le temps des épousailles, qu'adviendra t il de moi? Quand il m'aura eu, soumise, souffrante, amputée, dénaturée, acculturée, quand je serai semblable aux autres dames de la cour, clone parmi les clones... Ayant assouvi son goût du pouvoir, son goût de transformer, d'abimer, de conquérir,  il me jettera, jettera dans son château parmi les suivantes. Et il ira conquérir une autre, il l'aimera, il la phagocytera. Et je mourrai alors.

          Pour l'heure, il est beau, il est  fier debout, il sent bon l'humus des forêts, il commande, il a fière allure, il danse et il me désire.

          A mourir pour mourir, j'avais choisi l'âge tendre. Ah lala ! C'était, quand , femme poisson, j'avais choisi de m'immoler, me sacrifier afin de m'offrir à l'homme aimé pour une période que je supputais bien éphémère;  je croyais, alors que le prix à payer était un nécessité, j'étais jeune et bête et ma belle énergie n'était reconnue que par mes paires, mes soeurs, mes mêmes. Or, c'était désirée par un impair, que je m'étais sentie exister ! Comme c'est loin tout ça !, le temps a passé, la vie, ses apprentissages m'ont façonnée. Il m'arrive de songer  à cette époque et je me demande toujours quelle force vive m'aurait conduite si j'étais restée moi même... Basta, toujours est il,qu'il en a aimé une autre, puis une autre puis d'autres. J'ai cru mourir. A chaque fois. Mourir, n'être plus rien sans son regard désirant.

         Mais je ne suis pas morte, pas morte du tout. Petit à petit,au fil du temps  les piqures d'aiguilles se sont estompées, mes jambes se sont effacées, laissant réapparaitre  ma superbe queue de poisson verte aux écailles scintillantes, brillantes de mille feux.
Au fil du temps, j'ai acquis de la superbe et c'est avec panache que je  trousse  ce superbe prolongement  de moi même. Et les autres, les hommes, d'autres hommes ont eu à nouveau ce regard infini de désir prédateur. Mais je n'ai plus  besoin d'être reconnue. Je m'estime moi même et je jubile en ondoyant ma queue de poisson avec mes soeurs au royaume marin et je ris.

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