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T O H U B O H U
23 octobre 2011

APRES LA BELLE SAISON

     La brume s'était levée. Alors nous sommes tous sortis. Au soleil.
     En me promenant autour de la maison, j'ai tout de suite senti qu'elle ne nous avait pas suivis; elle était restée dedans; déjà préparée à affronter l'hiver, elle n'avait pas eu le goût, trop vieille, trop  flemme, elle avait préféré rester sur son fauteuil ou sur son coussin ou sur son lit récupérant la chaleur à travers la vitre. Confiante, elle nous attend, elle se lèche la patte, elle se chauffe.

 


     Sur le petit chemin, nos carcasses, avides, se sont réjouies de la bonne chaleur. On s'est gorgé. Plein la lampe. 
     Il va jusqu'à la petite route des voitures, le chemin, alors
                              on va                  on gambade                  on revient                 encore                  un peu                   on sourit                  on marche                  on laisse entrer the sunshine in                  on sourit          on laisse entrer            on va                  on laisse                  on contemple            on marchotte            un peu            on vire            on s'arrête                  on continue                  un peu                   en avançant...  Tiens!...             ... Tiens...
                                                                        ... Ci-gît la dépouille...
                                                                        ... de René!
                                                                        ... Même ses chaussures!
                                                                        ... Quand même!...  Fin octobre!
on continue                  on traîne                  on retourne                  on brasse                  on brasse                  on embrasse                  encore                  on regarde                  on avance                  on marche                  on continue                   encore                   
     Je me rengorge, je me gouleye, je me réassure, je me love dans mon écharpe-tchador chauffée par le soleil, je me réenroule, je me protège, je me creuyotte. Les hommes devraient songer à être jaloux du soleil; il nous pénètre plus profond, il nous transperce jusque dans nos entrailles.
     Et je bronze, je tanne, je mûris, je suis un fruit mûr.

 

 

     Allez, je vais découvrir derrière la maison; à l'ombre du grand tilleul. L'ombre froide. Il y a un chemin derrière le mur. Ça bouge sur le chemin; ça craque; des pas pesants; je m'approche; elles ont peur. Les pôvres! je les déstabilise. Elles passaient benoîtement, tranquillement, lourdement ,magnifiquement, elles allaient... Le troupeau est grand; certaines, stoppées me questionnent avec leurs beaux yeux magnifiques. Allez, les belles, je ne fais que vous regarder! Passez, continuez à être! 

 

 

     Bon, mais, moi,  je ne vais pas me laisser envahir comme ça, j'ai envie de commander:
 _  Là, ces cyprès, ils sont trop serrés, ils n'ont pas la place, vont mal pousser. Dédoublez moi tout ça!
 _  Et ces iris? Vous les laissez comme ça? Vous n'allez pas les désherber?
 _  Et ces tilleuls? Ils sont beaucoup trop hauts! Comment voulez-vous que...?
 _  Ce cerisier, il est à vous? Et vous ne craignez pas qu'avec toute cette ombre...?
 _  Les framboises? Elles donnent? Avec ces broussailles...
 _  Cette glycine, vous savez... si vous ne la taillez pas...c'est comme vos bambous!...
 _  Et  ces noyers tout autour... pas traités... Vous êtes certaine?

 

 

     Ah comme la nature est généreuse!                  Un bouquet                  laissez moi composer rien qu'un petit bouquet!                  sans déranger                  Et toutes ces poires écrasées...                  perdues pour nous...                     qui redeviennent nourriture de la terre...                  ces noix, par terre, je ne peux résister...                  il y en a plein sous les pieds...                  sous les feuilles                  des poires aux noix                  des noix aux poires                  des poires au chocolat                  des noix                  des tartes aux noix                  dans la salade                  des feuilles                  des fleurs                  pimprenelle                    Laissez moi arranger notre salade de midi                  Ah manger la nature                  fondre                  se glisser                  s'incorporer                  NON!  je ne l'exploite pas, je vous assure, je ne me l'approprie pas,  c'est elle qui me  donne, qui m'offre, qui me demande

 

     J'ai les pieds mouillés. mes sandales sont toutes boueuses. Mon foulard-tchador est bien chauffé, bien douillet.

 

 

 

 

 

 

 

 

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