C'EST ECRIT !

      Aujourd'hui, je vais écrire, j'en ai envie, il le faut.

      Mon jardin m'appelle. Il fait mine de rien comme ça, bien sûr, mais il m'attend.

      J'en suis fort aise mais... Un rayon de soleil sur les lilas, les foncés, près du portail... Une nouvelle tulipe violette parmi les myosotis, juste pour admirer... Une branche à redresser, vite fait, sinon elle casse !... Des herbes qui envahissent, qui empêchent... Les tomates qui ont grandi, il faut les tuteurer avant que... La menthe qui envahit tout... Le semis de cerfeuil aussi, le  persil qui a soif... Il faut bien... C'est urgent.

Bon... alors, je cède.

Je contemple, je souris, j'éclaircis, je vais encore salir mon tee-shirt, je m'attendris, je taille le forsythia, un peu, je ratisse, j'admire, j'arrose, je sème, je tuteure, je chantonne, je redresse, un peu, je soigne, je paille, je bichonne, j'adore. Et la mésange qui me suit, et la chatte qui m'accompagne, et les pivoines, elles vont pas tarder. Tout ce muguet, ça va faire plaisir, ce bonheur en avance !

Et pendant ce temps-là, le temps passe !

      Je crois que je suis prisonnière. Prisonnière vraiment. Où est ma liberté ? Mon libre arbitre ? Je veux écrire, j'en suis empêchée. Je décide d'écrire, et voila ! J'ai commis une faute, moi ? Qu'on me mette en prison en vrai ! Qu'on m'y mette, en prison, allez ! En cellule ! Une table, une chaise, papier, crayon. Pas de promenade. Pas de bibliothèque. Pas de parloir. Pas de fenêtre surtout !

Demain, sans faute, j'écris, il le faut. Je vais écrire. Sans faute. J'écrirai, j'en ai très envie. J'écrirai.

Faudrait peut être que je pense à repiquer mes petites salades quand même !