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T O H U B O H U
29 juin 2010

DES GENS AU VILLAGE

— Ma poupée jolie, ma Doudoune, ma Nounoutte, ma Nounounette, ma  douce, mais oui, mais oui, tu es belle, tu es très, très belle. On va aller se promener, on va  voir si on peut faire un bouquet pour ta maman.
   Un crédit pour avoir une voiture neuve, d'accord, mais maintenant que je ne vais plus travailler, c'est plus vraiment la peine, et puis un crédit quoi ! pfffff !
   Attends, je te mets ton chapeau ...
   Bon, en même temps, je profite de la prime anti-pollution ...
   Non, j'arroserai plus tard, il fait trop chaud
   Voila, voila, on y va, ma douce
   C'est sur combien de temps, ces mensualités ?

— C'est fou ! Ça bat des records,! C'est le pompon! Pire qu'en 2003 !
Non, mais elle est pas bien ! Elle va pas la sortir par cette chaleur, pffff ! Même mon chien, il sort pas, il est pas fou, il reste au frais! Il est où, d'ailleurs ? T'es bien là, mon gros, hein ! Tu te planques, t'as raison. On ira au supermarché tout à l'heure, chercher des bières et des trucs, j'ai plus rien. y' z'ont fait quoi, l'Argentine ?

— Ca, c'est comme tout, y 'a des avantages mais y ' a aussi des inconvénients. Normal ! Non, moi, coincé dans un bureau derrière un ordi, je pourrais pas. Faut que je bouge, faut que je sois dehors. Mais dehors, quand il fait chaud comme ça alors qu'il y en a qui sont bien peinards, le cul sur une chaise avec la clim', pffff !
Bon, qu'est ce qu'ils m'ont encore fait avec le fil de la débroussailleuse ? Je le retrouve toujours emmêlé. Ca commence à être bien jaune maintenant on va ralentir jusqu'à la fin de l'été. Bon, allez! plus tôt ce sera fait ...

— Comme je les ai jetés, les gamins ! A 4 heures 25, ils étaient dehors. De toutes façons, on n'en fait plus rien maintenant, trop chaud, ils ne peuvent plus se concentrer. Ca leur fait du bien de ranger leur classeur. C'est marrant, ceux des filles sont mieux tenus quand même ! Les garçons, aucune méthodologie, pffff !  Bon, je vais pas traîner, j'espère qu'elle aura préparé le sac, les bibs, la poussette. Si je rate le début, pas grave, mais je veux pas le prendre à la mi-temps quand même ! Je ne sais plus si c'est moi qui prend le pain, ce soir.  Ils sont cuits, de toutes façons! à moins d'un miracle ! ...

—  Sous son gros fauteuil de T.V., sur les tommettes, c'est là qu'on est le mieux. Moi, je bouge pas jusqu'à ce soir,et si le chat noir, le gros, vient mettre son nez dans ma pâtée, il va y avoir du sport et on va se marrer.

    Le Rhône a chaud. Il s'étale, avachi,  entre ses rives jaunissantes. Il pense à son passé magistral, impérieux, impétueux, impérial. Il rêve  du temps où c'était lui qui dictait sa loi. Il reste placide sous les éclaboussures des jet-skis qui le titillent comme des puces. Il y a des voiliers. Comme sur un lac. Pfffff ! Une péniche passe.

    Les chaussettes sur le fil sont sèches, archisèches, le linge est immobile comme un décor, en attente, on peut voir le sexe, la taille, l'âge, la mode.                                                                                                                                                      

— En plastique, c'est gai, c'est coloré, certes, mais plastique-pétrole, je préfère les pinces à linge en bois. C'est beau, c'est simple, c'est ingénieux, c'est sobre, c'est noble, c'est familier.

— Que deviennent-ils ? C'est vrai, vingt ans après mon départ, j'aimerais être une mouche pour revenir voir tous les gens de ce village. Je ne reconnaîtrais plus les enfants du catéchisme. Et puis les nouveaux, tous ces lotissements. Pfffff !, ça doit pas bien aller à la messe ! D'ailleurs, ils n'ont mis personne pour me remplacer, c'est un diacre qui s'en occupe, il est épatant  il paraît ! J'aimerais bien voir si il y a encore quelqu'un,  le 15 août,  pour fleurir l'autel de Marie.

— Il dort, là  ? J'aimerais goûter à sa gamelle, il a de la viande, lui ! pffff ! Lèche-cul !

— Les voisins sont en instance de divorce, enfin, de séparation, enfin, ils n'étaient pas mariés, enfin, on ne peut pas séparer des gens qui ne se sont jamais unis; enfin mariés ou pas, ils vivent ensemble  depuis  un moment déjà. Ils ont deux enfants. Enfin, un ensemble, c'est sûr, le grand, je crois qu'il est à elle. Enfin toujours est-il que c'est pas la joie, l'atmosphère est tendue dans leur cuisine intégrée qui a dû leur coûter bonbon. Ils vont se séparer mais ils ne savent pas par quoi commencer alors c'est tendu. Et avec cette chaleur ! On le voit bien: le jardin qui n'est plus entretenu, enfin la pelouse, le gazon, enfin, si on peut dire, ça fait du foin maintenant ! Moi, ce que je dis, c'est pour les gamins surtout !

    Au barrage, au grand barrage hydroélectrique, de gros bouts de bois sont retenus, des branches que les orages ont cassées, des arbres entiers souvent. Il y a aussi quelqu'un, un corps défiguré, décoloré, disloqué, gonflé, un cadavre. Il ne pouvait plus vivre, c'était trop difficile.
 

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