CHUUTTT DE PAPIER suivi de VOYELLES suivi de LE TEMPS D'ECRIRE
Aujourd'hui, c'est dimanche. Dès potron-minet, c'est fête, c'est l'heure, c'est maintenant, c'est l'instant...
CHUUUTTT DE PAPIER
Je crois que j'écris ce soir, dehors, j'écris, ça dit, ça écrit, ça veut dire, c'est bon d'écrire longuement avec la plume, l'encre, le papier blanc, souple, que le vent soulève, le vent qui rafraîchit enfin la fournaise, ce soir, dehors, écrire avec le thé à la menthe, le vent léger dans la nuque, sur les jambes, les oiseaux qui reviennent, le soleil de plomb qui s'éloigne et ce soir, il est question de photo avec l'appareil, le flash, la carte SD, la notice à comprendre que je n'aime pas lire et je voudrais dire la feuille verte, longue, découpée, qui bouge au vent et les taches d'encre de Michel et René qui photographie les feuilles et Nicole le bruit de ses feuilles et l'herbe sous les pieds et j'appréhende le moment qui vient déjà où il ne restera plus de place sur la jolie feuille souple et je n'ai pas fini et je n'ai pas pu dire et je n'ai pas su dire et je n'ai pas encore dit et il faudrait dire encore pourtant, je crois.
VOYELLES
A un peu passé, n'a plus de couleur , fut rouge pendant longtemps, ma préférée.
E noire, ou bleu foncé, bleu nuit. C'est sans importance maintenant.
I Ah le i avec son point. Comme il était blanc. Ivoire et droit !
O noir, vaguement noir, ce facile, ce primaire.
U blanc mais transparent maintenant.
A E I O U mes amies, mes familières. Incolores, inodores, insipides, usées, nécessaires, indispensables, chéries, je ne vous vois plus, vous m'êtes acquises, vous êtes miennes, mes voyelles.
LE TEMPS D'ECRIRE
J'aime écrire. Copier. Recopier. Prendre des notes. Faire des listes pourvu qu'elles soient longues. J'aime écrire, gribouiller, sans abrégé, avec une plume, des pleins et des déliés et des majuscules. Ah parlez moi d'un G majuscule, un G de nos grands-mères pas un G d'ordinateur. Quelle allure ! Quel tarabiscotage !
Bien sûr, d'aucuns, des sans goût, des sans âme, tracent leur G majuscule comme une lettre d'imprimerie et l'ordi leur va bien. Ca va plus vite. Ecrire, c'est fatigant à force.
Savent-ils bien ce qui leur échappe, ce dont ils n'ont pas idée, ce qu'ils ratent, ce qu'ils perdent ?
Pas le temps, disent-ils.