UNE INSTALLATION

C'est aujourd'hui !

Avant, c'était, plus tard, un jour, demain, quand je serai grande, quand j'aurai le bac, quand je serai en vacances, quand j'aurai les cheveux courts, quand mes cheveux auront repoussé, quand j'aurai un enfant, quand les enfants seront grands, quand je serai à la retraite, quand il fera beau, quand il fera moins chaud

Ayé ! , c'est aujourd'hui.

Et ce n'est pas une démarche réfléchie, intellectuelle, une envie prometteuse ni un devoir auquel je m'appliquerais. Ni une revendication, ni un principe, ni un élan de survie, ni un effort, ni une posture. Ni une vue de l'esprit. Ni une idée comme ça.
Non, ça s'est passé tout naturellement. Je l'ai vu dans le regard des autres. C'était par étapes, ( il faut le temps d'y croire, le temps de réaliser que ça y est, le temps de s'émerveiller ), c'était une certitude: j'étais devenue Moi.
Il était temps. C'était le temps. Attendre le Grand Soir n'avait plus de sens. Tout à coup. Et depuis un moment déjà. Et ce n'était plus possible autrement. Et c'était facile.
Oh j'étais déjà  bien un petit peu Moi, bien sûr, beaucoup Moi, même; Je ne m'en contentais pas mais ce n'était pas simple, je me trouvais empêchée, embarrassée, empêtrée, interdite souvent. Et je souhaitais être Moi, c'était mon but.

Moi c'est Moi. Entièrement Moi. Absolument Moi. Rigoureusement Moi. Jubilatoirement Moi.
Je ne peux plus me glisser dans la peau de ce qu'on croit de moi, je ne cède pas au confort faussement facile d'être quelque chose comme à peu près moi. Je n'ai pas néanmoins, besoin de me battre pour vous affirmer que c'est à moi que vous parlez. Je ne tente pas l'impossible mariage de votre point de vue et du mien et je n'éprouve pas le besoin de contrer votre prise de position. Si, parfois je m'attriste quand vous essayez de me convaincre que je suis dans l'erreur. Je soupire mais comment faire ? Moi c'est moi, on n'y peut rien. Et c'est un plaisir qui me comble. D'être Moi et pas à- peu -près- Moi. La vie vaut la peine d'être vécue rien que d'être.

Avant ? Je faisais mes classes, je crois
Un point de départ ? Je crois bien que j'ai pris modèle sur mon petit-fils.Ca semblait si absolument simple d'être soi, intègrement soi.
On dit que les bébés sourient pour faire ami-ami, pour être nourris et protégés, pour se faire bien voir ...
Je n'ai nul besoin de me faire bien voir ! ... Vous me voyez bien ! ... Je crois que vous me voyez mieux. Mieux qu'avant.
Peut-être n'est-il même plus besoin de parler ! ... A voir !... A découvrir ! ...

Ai-je donc tant bataillé ?
Ai-je donc tant ramené ma fraise ?
Ai-je donc tant fait de compromissions ?
Ai- je donc tant négligé Moi aux seules fins d'être quand même un petit peu moi ?

C'est vous qui me dites qui je suis. C'est vous qui me dites que je suis mais je le sais depuis toujours et ce n'est peut-être même plus la peine. Non, c'est bon !, Pas la peine! , ce serait maintenant impensable, immature, inconcevable, impossible, irrespectueux, impardonnable, irréel, absurde, débile, affreusement douloureux.
C'est si facile d'être soi, c'est obligé, c'est nécessaire, c'est pratique, c'est confortable, c'est réjouissant, c'est délicieux, ça vaut le coup !

Pourquoi remettre à demain puisque c'est aujourd'hui. D'ailleurs, je ne vis plus que pour ça.